Roda que rodaras, mai dins ton pais tornaras.

Bugarach:12ème Ronde des Cimes

Sortie familiale et sportive ce Samedi 2 Octobre 2010.
Objectif: Bugarach et sa Ronde des Cimes - 15 km et 350 m environ de dénivelé.
Évènement pour moi dont le choix s'est porté sur la randonnée de10 km.                                                 
En effet, après avoir débuté il y a maintenant un peu plus d'un an par la marche rapide et m'être laissé séduire quelques mois par la course à pied, je reviens aujourd'hui à mes premières amours, la marche. Oui, la raison l'a emporté sur la passion, le vertige de la vitesse et la vision fugace de traileuses élégantes. Bref, ce n'est plus de mon âge.

Donc, départ à 13h. de Lézignan-Corbières avec Gaëtan, Julia et la petite Laure qui nous tient bien éveillés grâce à sa verve coutumière. Passage par Carcassonne puis Vallée de l'Aude direction Couiza. A mesure que les kilomètres défilent, une tension palpable s'installe peu à peu parmi  nous. Non pas à cause de Laure, enfin... pas entièrement, mais surtout nous réalisons que nous ne serons jamais à l'heure pour le départ de la randonnée, prévu à 14h25. La durée du trajet voiture a été sous estimée et, malgré les efforts de conduite de Gaë, c'est en catastrophe que nous arrivons à Bugarach.

Le ciel est gris, l'atmosphère humide; poussés par un vent d'Est soutenu, les nuages masquent les cimes environnantes. Tout proche, le Pech ne laisse dévoiler que ses flancs sombres où le regard se perd.
Mystère, angoisse, instant tragique...Le décor est planté: nous sommes bien à Bugarach!

Le village est en effervescence. Toute une population s'affaire dans les ruelles et sur la place où nous nous garons. Salut rapide à quelques coureurs connus et je me mets en tenue pendant que Gaëtan s'occupe de l'inscription. Même pour un marcheur, l'ambiance est à la course car le départ de la rando a déjà été donné...à  3 km de là, au Col du Linas, sur la route de Camps sur Agly. De retour avec le dossard (190), Gaë décide de m'accompagner là-bas en voiture. "Cool, ce n'est qu'une marche" lui lancerais-je pendant le trajet, mais je savais bien que c'était de l'autosuggestion consciente.

Arrivés sur le lieu de rassemblement, une arrière-garde de randonneurs débonnaires nous confirment le chemin mais c'est avec un agacement non feint que je découvre qu'il pleuviote et que l'impression de fraîcheur s'est accentuée. Les années passées à travers vignes et garrigues m'ont appris à travailler mes improvisations - la pratique du Blues aussi. C'est en un clin d'œil que je troque mon cuissard inapproprié pour un collant intégral léger mais plus protecteur. Voilà, ça y est, je suis enfin paré! La panoplie est complète: runnings ajustés,ceinture porte bidon par dessus le coupe-vent, casquette bien vissée, serre lunettes, GPS déclenché – un peu trop tardivement d’ailleurs.

Il est 14h42...environ et je quitte Gaë avec une impression étrange d'insatisfaction. Sûrement la magie ensorceleuse de Bugarach qui me poursuit. Pour éviter les tergiversations mentales du troisième type, je règle mon allure en me concentrant sur la technique acquise récemment à travers les sentiers de La Clape ou au Parc des Sports: conserver une vitesse moyenne de 8 km/h en évitant de courir, toujours garder le contact au sol, bien balancer les bras, buste bien droit, déhanchement latéral, regard au-delà de la ligne d'arrivée. Technique efficace sur le plat mais difficile à appliquer en montée aussi bien qu’en descente, surtout en terrain irrégulier et caillouteux. Un compromis entre marche rapide et athlétique qui convient à mes capacités psychophysiologiques.

D’ailleurs, le GPS qui vient de se mettre en phase avec les satellites, m’indique, 200m après le départ, que je suis à la bonne allure, au moment même où je dépasse un jeune randonneur bâtonné isolé, adepte nonchalant de la marche nordique. Au-dessus du hameau du Linas, je passe anonyme mais fier le 1er poste de ravitaillement de la course. Dès lors, je vais rattraper progressivement plusieurs groupes de marcheurs bien équipés, bavardant joyeusement et s’étalant, inconscients, sur toute la largeur de l’étroite montée vers la Forêt Domaniale de l’Eau Salée. M’insinuant poliment à travers ces obstacles mouvants, je parviens néanmoins à maintenir un bon rythme.

La pente se fait maintenant plus raide. Les chaussures accrochent bien, cœur et souffle sont à l’unisson, le vent frais atténue l’effort sans en briser l’ardeur.
Soudain, une lueur fulgurante pénètre mon esprit, brisant net cette sérénité qui commençait à prendre le pas sur l’angoisse initiale. A la vue des dossards accrochés au sac à dos de certains marcheurs, je viens de réaliser la raison de ce trouble : dans la frénésie du départ, j’ai oublié le mien sur le tableau de bord de la voiture! Voilà la raison de l’insatisfaction singulière du départ. Un instant décontenancé par cette négligence  stupide qui ne me ressemble pas, j’élabore mentalement quelque stratégie pour sauvegarder ma fierté émoussée par les contrariétés accumulées.

Plongé dans mes réflexions, j’arpente maintenant un étroit sentier herbu aux senteurs d’automne, bordé d’arbustes verdoyants et dont la douceur bucolique contraste avec l’âpreté du dénivelé. C’est pendant cette grimpette de 1km que je réalise les bienfaits d’un entraînement quotidien et que les efforts pour parcourir à pied plus de 2000 km depuis un an n’ont pas été vains. J’apprendrai à l’arrivée que certains coureurs ont marché à cette étape du parcours!
Suivant prudemment les balises, je parviens enfin à une large piste forestière qui semble marquer la fin de l’ascension en épousant les contours du massif. A une altitude de près de 800m, la forêt est omniprésente, profonde, silencieuse. La brume diaphane infiltrée à travers les troncs ajoute à la majesté onirique des lieux. Le crissement des semelles résonne faiblement sur le sol souple et humide, rythmant mon allure désormais plus régulière.

Moins focalisé sur la performance – je n’ai dépassé personne depuis environ 500 m – je repense au dossard en ajustant ma tenue. " Tiens, c’est bizarre, j’ai pris mon téléphone portable "- pensé-je en avisant la sacoche fixée à ma ceinture -  "  c’est bien la première fois que je le fais suivre lors d’une course officielle ". Il est 14h25. Cédant à la tentation, je me décide brusquement à appeler Gaëtan, conscient de l’imminence du départ de la course, sachant qu’il doit probablement se trouver dans un état de concentration intense. Bien sûr, pas de réponse mais je lui laisse un message d’encouragement après lui a voir signifié ma déconvenue identitaire.
Presque soulagé d’avoir pu laisser cette trace communicante moderne, j’accélère la cadence. Hydratation régulière, apport énergétique ponctuel, conditions météo stabilisées avec vent dans le dos, c’est avec confiance et détermination que je suis en vue du ravitaillement des 10 km de la course, frisant les 9 km/h. Affairés autour de larges stands garnis de mets et boissons diverses, des organisateurs s’agitent élaborant les derniers préparatifs avant le passage de la horde des concurrents.

Autonome et voulant assurer mon avance sur d’hypothétiques poursuivants, je parviens à leur hauteur sans l’intention de m’arrêter. Discret salut de la main, je passe mon chemin en continuant mon périple lorsque un choc brutal ébranle mon intégrité psychique." Et le dossard ? "- interroge l’un d’eux ". Un instant impressionné  par tant d'acuité professionnelle, je parviens à marmonner: "… oublié… n°90 … enfin … je crois … ", avec le sentiment culpabilisant de paraître pour un dissident, un hérétique, voire un extra-terrestre – la région s'y prête.
Mais cette faiblesse de mon équilibre intérieur est vite balayée par une lucidité libératrice soudaine mais trop longtemps contenue: " je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre!" comme le criait  le n°6 dans la série télévisée britannique " le Prisonnier" (1968). Ce n'est qu'une marche, il n'y a pas de compétition, au diable le dossard! Et c'est auréolé d'une exaltation motivante que j'attaque la deuxième partie de la randonnée, constatant en outre qu'à aucun moment je ne me suis retourné.

Dans la descente progressive menant au village de Bugarach, le paysage s'est modifié: la forêt dense s'efface graduellement, laissant la place à la chênaie verte, typique des versants calcaires soumis aux influences méditerranéennes. Malgré un ciel toujours chargé, la menace de pluie se fait moins insistante. Dans une boucle prononcée de la piste, je passe un dernier poste de ravitaillement déserté par leurs responsables, patientant à l'abri d'une voiture toute proche.
La descente s'accentue et m'oblige à un contrôle accru de mes foulées pour ne pas courir. Quelques habitations isolées surgissent au détour de virages, annonçant la proximité du village blotti au pied du Pech toujours invisible. Passage sur un gué, entrée par la rue principale bien gardée par un signaleur en tenue traditionnelle - jaune fluo, dernière petite côte et arrivée triomphale dans l'anonymat le plus complet. Réflexe d'arrêter le Garmin (GPS): 1h:09mn:07s pour 10,3 km et une vitesse moyenne de 8,9 km/h. Pierre aurait été fier de moi…

Personne pour m'accueillir ou enregistrer mon arrivée. Même un photographe puissamment  équipé n'a pas daigné me flasher, malgré un sourire racoleur l'invitant au déclic. Est-ce parce que je ne porte pas de dossard? Je comprends vite que ce que je crois être du dédain n'est qu'une attention détournée par une manifestation concurrente: la foule assemblée sur la place est en train d'acclamer nombre d'enfants venus aussi, comme les grands, participer à cette belle fête champêtre. Après la course dans les ruelles, c’est la remise des récompenses avec médaille pour tout le monde.

Petite Laure et Virginie – la nounou du jour, à l’affût dans un coin de la placette mais subjuguées par l’agitation du podium, ne m’ont pas vu arriver. Un instant incrédule, Virginie court chercher le dossard délaissé pendant que Laure me presse de questions essentielles: "…et Maman…et Papa…où est mon lapin…quand est-ce qu'on goûte...??? Le dossard récupéré, je peux enfin faire valider mon parcours par un bénévole officiel qualifié.

Ma quête du Graal  réalisée, je cours marche pour me changer avant de partir à la rencontre des coureurs dont je laisse la trace photographique ici.

5 commentaires:

  1. Bien joué. A bientot sur un sentier ?

    RépondreSupprimer
  2. joli blog, et magnifique photo de présentation.
    Quand à la marche, on s'y croirait.
    A bientot pour d'autres ballades partagées,
    sur le blog ou les sentiers

    RépondreSupprimer
  3. Beau blog et magnifique photo.
    et la marche, à la lire, on s'y croirait.
    a bientôt pour de nouvelles balades,
    sur les pages ou les sentiers

    RépondreSupprimer
  4. Super récit pour une sacrée aventure, vivement d'autres pérégrinations pour qu'elles nous soient contées

    RépondreSupprimer