Roda que rodaras, mai dins ton pais tornaras.

Sigean - 4ème Course des Vents

Temps maussade ce dimanche matin. Sur la route menant au village familial, bien à l’abri dans la voiture, je scrute le ciel obscur chargé de nuages qui viennent crachoter sur le pare-brise leur mépris du soleil encore derrière l’horizon. Un léger cers rafraîchi agréablement cette atmosphère humide, présageant quelque éclaircie salvatrice prochaine.

Arrivée à Sigean sur la place de l’Octroi où aura lieu à 9h le départ de la course: l’agitation traditionnelle des organisateurs, coureurs et autres participants accompagnent le lever du jour.
Déjà en tenue de randonnée depuis la maison, j’ai peu à attendre avant de voir arriver les sujets favoris de mon objectif; Gaëtan, Julia, Laure. Seule, Julia doit courir le 11 km; Gaëtan, pétri de sagesse, prend le risque de rester auprès de Laure dont le verbe intarissable est plus efficace qu’un gel énergétique.

Un rapide coup d’œil sur la carte des 2 boucles (11 et 22 km) et je m’élance d’un pas décidé, affrontant quelques gouttes de pluie et flaques clairsemées, sur la route menant à la vallée du Rieu. Aujourd’hui, j’applique une nouvelle stratégie issue de profondes réflexions et d’observations attentives antérieures: mon but étant le récit de la course à travers paysages et personnages, n’est-il pas judicieux d’aller à la rencontre des coureurs en suivant l’itinéraire en sens inverse? Ainsi, plus d’inconvénient de se laisser surprendre par des dépassements inopinés et intempestifs, meilleur choix du cadre des prises de vue en toute sérénité, vision élargie à tous les participants sans oublier Julien Poinas, marqueur indispensable, incontournable et ludique de toutes fins de pelotons.

Après le pont sur la rocade menant à Port-la-Nouvelle, je vire donc à gauche et rejoins les sentiers caillouteux après 2 km d’asphalte rébarbatif. Suivant le fléchage - inversé pour moi, je maintient l’allure entre 8 et 9 km/h en prenant soin d’observer et m’imprégner d’un environnement plein de charme et de douceur sauvage où les souvenirs d’une jeunesse insouciante m’invitent encore à la rêverie.

Je devais alors avoir une dizaine d’années et c’est le Jeudi après-midi que le curé de la paroisse, Charles Manenti, grand initiateur du patronage, corse de naissance et de caractère, accompagnait les garnements du village jusque sur le plateau de la Garrigue Haute où nous parcourions bois, falaises et clapas sous liberté surveillée mais avec ce sentiment d’indépendance solidaire qui me hante encore…


Quelques clichés et kilomètres plus loin, je débouche sur le chemin de Plaisance: je réalise alors que, absorbé par les souvenirs émouvants, j’ai du louper une bifurcation. Mes prévisions situant la rencontre avec la tête de la course à l’intersection des deux boucles, en haut de la Métairie ruinée des 3 fontaines, sont désormais à revoir. Sans mollir, j’arrive au gué du Rieu, au pied de la rude montée vers les éoliennes et je décide finalement de m’orienter vers le début de la course dont le départ doit être incessant.

Bientôt 9 h. Après avoir longé le lit du Rieu et traversé une vigne fraîchement arrachée dont les racines entassées et nues attendent le bûcher expiatoire, j’emprunte le sentier balisé à la recherche d’un affût photographique que je choisi enfin sur mourel dégagé et suffisamment pentu pour ralentir les coureurs les mieux aiguisés.

Quelques minutes d’attente et une dizaine de traileurs entraînés par David Solier passent, le regard droit où semble poindre déjà pour certains, la volonté d’en découdre. Je réalise quelques clichés au hasard du flot régulier des coureurs: spectacle fascinant de ce monde finalement discret, peu médiatisé, d’où les foules hurlantes et gesticulantes des stades restent absentes. Pourtant, ce ne sont pas les gradins naturels et confortables qui manquent tout le long des sentiers…

Dans leur différents costumes scéniques - professionnel et publicitaire, multicolore, chatoyant, sobre, sombre ou étincelant, aéré et estival, enveloppant, réfléchissant, imperméable et coupe-vent, les dossards numérotés défilent dans un désordre organisé où chacun garde au fond de soi un secret commun mal dissimulé: boucler la boucle!
 Parmi tous ces corps agités, quelques visages familiers reconnus sourient face à l’objectif: Julia, Damien, Virginie, Didier, Antoine, Valérie…Jean-Marc. Jean-Marc justement qui, frappé d’une subite bouffée euphorique liée sans doutes à l’altitude (50 m environ au-dessus du niveau de la mer) et me prenant peut-être pour un sherpa, sort de la file pour me confier son blouson, puis disparait visiblement soulagé en me remerciant dans un tibétain approximatif. Quelle assurance!
Le flot des coureurs se fait à présent moins dense et l’apparition toujours irréelle de Juju le Clown accompagné par quelques adeptes marque la fin du passage de la horde. Je reprends alors ma route en sens inverse en croisant un signaleur qui me fait remarquer que je ne suis pas dans la bonne direction. Remarque judicieuse, pleine de bon sens mais rassurante pour qui moi continue sous son regard incrédule.

Il me reste encore du temps avant que la course ne revienne des hauteurs du plateau. En bon connaisseur du terrain, j’opte pour d’autres points de rencontre dans les pinèdes qui bordent la vallée du Rieu. Rejoignant le parcours et toujours en sens inverse, je m’efforce de suivre les marques multicolores et fluorescentes qui jalonnent les sentiers en se superposant parfois dans des indications contradictoires. Quelques participants seront en effet déboussolés par ces juxtapositions colorées de courses antérieures.

C’est à travers ces monotraces ludiques, sur un sol schisteux et raisonnablement humide que je flashe le passage de concurrents du 11 km qui dévalent les pentes dans un ordre désormais beaucoup plus dispersé. La rencontre de Julia et Damien est pour moi le signal de retour au point de départ ainsi que la fin prochaine du reportage. Encore quelques raccourcis menés à bonne allure pour surprendre des coureurs isolés avant de rejoindre définitivement l’arcade gonflante d’arrivée.

Dernières photos, échange d’impressions, rencontres sympathiques avec des amis d’enfance, des traileurs-blogueurs enthousiastes (les Foulées du Sou)…
Prochaine participation envisagée: le 3ème Trail du Boër à Moussan le 12 décembre.
A bientôt peut-être…

1 commentaire:

  1. Encore une fois super récit, qui vraiment me fait regretter de n'avoir pas pu le faire.

    Gaëtan

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